15 ans d’études et peau de chagrin

Et bien voilà. Il aura fallu ce rendez-vous avec ce docteur Ultra-Brite pour que commence enfin le deuil de mon sein perdu.
C’est vraiment ce que j’ai ressenti en sortant de mon rendez-vous chez ce chirurgien-plastique. Rendez-vous qui est venu quasiment 5 ans après l’intervention…

Lors de ma mastectomie en 2007, j’avais dis ‘jamais’. Pas question de repasser sur le billard sauf absolue nécessité, de toutes façons, le résultat sera médiocre. Trop chochotte pour envisager des opérations, des douleurs, des cicatrices… Je voulais assumer ce nouveau corps d’amazone.

Mais avec le temps, je voyais bien que mon obsession de faire comme si c’était pas grave et que le plus important c’est que je sois vivante commençait à battre de l’aile… C’est surtout cette technique du BRAVA qui m’avait séduite : combler ainsi mon ground zero… Si au départ ça me paraissait absolument inimaginable, j’avais récemment fini par l’envisager.
Même plus, j’en étais venu à me dire que peut-être, tant qu’à faire de passer sur le billard, alors – je dis bien peut-être -, une prothèse…

Beaucoup de chemin parcouru dans les jours qui précédaient ce rendez-vous avec ce docteur, malgré mes réticences (lire mon billet ici).

J’ai d’ailleurs un peu traîné avant d’écrire sur ce rendez-vous car je sentais que tout cela devait décanté. Je suis ressortie tellement dépitée et en colère, que je ne voyais pas l’intérêt de le partager ici !

En fait, non seulement ce qu’il m’a dit n’était pas ce que je voulais entendre, mais en plus il l’a dit d’une telle façon, que c’était trop :

Dès nos tous premiers échanges, il me lance : « Oh mais ce que je vous dis, c’est 15 ans d’études. »

Ainsi c’était sa façon à lui de poser la discussion.
Hou là, ça partait très mal ! Je dois dire que cette mise à distance immédiate m’a totalement glacé. (d’autant plus que je lui donnais 30 ans tout mouillé de chaud !)
Ensuite, il a évoqué avec condescendance la méthode BRAVA, selon lui inutile pour un lipomodelage, et m’a expliqué les autres techniques : prothèse, grand dorsal.
Ensuite, il m’a fait déshabiller,  et là, les possibilités sont devenues peau de chagrin. Il me dit que contrairement à ce que je pensais, ma radiothérapie avait laissé de gros dommages. La preuve, les télangectasies, la peau tendue… Bêtement (pas fait 15 ans d’études, moi), je pensais que c’était moche, oui, mais dans la norme… La prothèse interne, c’était tout simplement impossible, car je n’avais plus de muscle pectoral sous-jacent, nécrosé : mon fameux trou très prononcé, c’était donc cela. Indispensable pour ‘glisser’ la prothèse.

Pour le lipomachin, mes seins étaient trop conséquents, on ne fait ça que pour de petites poitrines. Ah bon.
J’avais beau avoir évolué mentalement vers une possible reconstruction chirurgicale, le grand dorsal, c’était non pour moi. Trop.

Donc il m’a proposé un « truc » que je ne saurai même pas redire ici. Plus capable d’entendre. Trop complexe pour ma pomme et mon état psychique. Ce dont je me souviens, c’est qu’il faudrait 4 opérations sous anesthésie générale, que ça s’étalerait sur plus d’un an, et bon, « faudra pas vous attendre à un résultat extraordinaire, c’est de la reconstruction« . Heu, c’est un gros mot ?
Et cerise sur le gâteau, il faudrait retoucher l’autre sein, celui qui ne demandait rien.
Lorsque je lui ai dit que je m’y refusais, il m’a regardé du haut de ces 15 années d’études. Lui qui voit dans son cabinet privé, à longueur de journée des femmes qui viennent pour des pattes d’oie, des culottes de cheval, des seins trop ceci ou trop cela,… Agacement ou pitié, va savoir…

Si j’ai montré les dents assez vite, je n’ai pas vu le sourire Ultra Brite qu’il arbore sur son site, publicité mensongère !
Curieusement, je ne remets pas en cause ce qu’il m’a dit.
Je suis juste triste. Un deuil, en effet.

Je vais donc restée avec mon « corps amazone »… Superbe film. J’en avais parlé ici. Il fait partie de la sélection de l’eBib, la bibliothèque différente de l’association Au Sein de sa Différence. si vous ne l’avez jamais vu, une simple demande et hop, je vous l’envoie par la poste. (descriptif ici)
Les modalités se trouvent .

Et encore mieux, si vous êtes en Rhône-Alpes, vous pourrez vous rendre à Crest dans la Drôme, le samedi 6 octobre. La médiathèque départementale organise dans le cadre d’Octobre Rose, une projection du film. Avec une rencontre avec la réalisatrice Anja Unger et avec ma potesse Cathie Malhouitre d’ASDSD…
J’y serai.
(+ d’infos ici)

Rappel : cancer du sein, 70% des patientes ne se font pas reconstruire (chiffres d’une étude de l’Institut Curie de 2011 ici).

7 réflexions sur “15 ans d’études et peau de chagrin

  1. elyse dit :

    effectivement, il va te falloir faire le deuil de cette éventuelle reconstruction … mais tu m’as l’air d’avoir plus d’un tour dans ton sac
    et passé le temps de la déception, je sens que tu vas vite (re) voguer , fière, vers l’avenir avec ton corps d’amazone !
    De mon côté j’ai opté pour une reconstruction avec prothèses , tout juste un an après la radiothérapie … j’arbore désormais deux seins tout rapiécés et racommodés, pas des plus élégants .. des fois, je me demande si .. je n’aurai pas dû … quoiqu’il en soit, et même si cela ne suffit pas toujours, oui, oui l’essentiel est quand même que tu sois là aujourd’hui, bien en vie .. mais je comprends aisément cette déception…
    & toujours…. merci pour tes mots, qui sont un vrai réconfort, pour celles qui ont vécu un combat semblable au tien !

    elyse

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  2. elisabeth dit :

    bonjour,je vous lis depuis longtemps mais prends la plume pour la première fois….pourquoi ne pas chercher un autre avis avant de baisser les bras?….
    Certes la reconstruction, ce n’est pas parfait mais c’est quand même bien plus facile pour s’habiller en été…pour être passée par là, je vous conseille de chercher une autre bonne adresse qui sera peut être moins négative.
    Amicalement

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  3. Isabelle Schops-Gedlek dit :

    Oui, je pense comme Elisabeth. La chirurgie reconstructrice n’est pas de l’esthétique!!!
    Je sais que le Pr Blondeel à Gand fait de véritables miracles, mon amie Scorpionne a fait chez lui une superbe reconstruction (avec une autre technique, une seule opération, longue, avec le lambeau ventral je crois).Il doit avoir son équivalent en France; je vais demander à mon amie belge si elle pourrait avoir des références de Dr pour toi, c qn de très concerné et de très prête à aider. Je vais lui demander si tu es d’accord.
    On ne se connaît que virtuellement mais ta douleur me touche, Méli. Je voudrais pouvoir t’aider. T’es une super nana.
    Bises suisses

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    • Mélilotus dit :

      Merci à vous toutes de ces gentils mots, je crois que j’ai donné une image très abattue de moi-même, mais ce n’est pas si grave, je prends du recul et vogue la galère 🙂
      @Isabelle, merci mais je ne suis pas prête je crois, à aller loin, faire des opérations lourdes, … Je connais cette opération dont tu parles, mais le chir Ultra Brite m’a dit qu’elle était très mutilante (et qu’il ne la pratiquait pas), voilà des mots qu’on n’oublie pas… Un peu déshabiller Pierre pour habille Paul, tout ça, finalement…
      J’irai vraisemblablement voir un 2e chir plasticien pour avoir un 2e avis.
      Mais ce que je retiens, c’est qu’on ne choisit pas sa reconstruction sur « catalogue »…
      Je vous embrasse toutes,
      Méli

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  4. yelena dit :

    Bonjour Méli ! Ce que tu écris, je le savais. je connais une personne qui l’a refait, pour deux seins, mais la différence, c’est qu’il n’ y a eu aucune radiothérapie. Cela lui a pris trois ans, à l’heure qu’il est, je ne sais s’ils sont terminés. En plus, elle m’a dit que ce n’était pas confortable, mais pour le moral, elle l’a fait. Ce sont toujours des chirurgies lourdes. Et j’y ai renoncé. Mais tu peux consulter quelqu’un d’autre. Un chirurgien qui soit plus compréhensif. mais il est sûr que cela demande des sacrifices et que cela est long. Bon courage, réfléchis et informe-toi. l’essentiel est d’être en vie. Ce que j’ai pu voir en reconstruction n’atteint jamais l’esthétique de seins comme avant. Bises Méli

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  5. Valérie dit :

    Bonjour Méli, je lis ton poste alors que ma première intervention de reconstruction s’est faite il y a dix jours. Je prends conscience en te lisant combien au delà des termes techniques et chirurgicaux la personne que l’on a en face de soit est importante lors de ce type d’entretien. Le chirurgien qui nous reçoit est déterminant je pense dans notre ressenti et donc dans notre décision. J’ai appris une chose lors de mes entretiens préalables a la chirurgie c’est qu’il n’y a aucune technique miracle et aucune technique « mieux » qu »une autre. Il n’y a que du cas par cas en fonction certes de l’état de la peau, des traitements subits…mais aussi de nos personnalités, de nos peurs, nos angoisses et notre vécu face a cette maladie. Ce vécu si personnel !!! Seul un chirurgien a l’écoute de TOUS ces paramètres peut nous aider a envisager une reconstruction et a trouver avec nous la technique la mieux adaptée a notre cas pour qu’elle soit envisageable et réussie. Peut être décideras tu de ne pas faire de reconstruction, si tu en décide ainsi c’est que c’est la bonne décision . Sinon prends le temps de trouver un chirurgien qui soit a l’écoute de tes attentes de tes espoirs et de tes craintes.
    Très bonne journée a toi.
    Valérie

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    • Mélilotus dit :

      Vraiment contente pour toi Valérie 🙂
      Ton commentaire est tellement vrai. Il n’est pas dit que je ne revois pas quelqu’un d’autres, car tu es loin d’être la seule à me le conseiller. Je vous embrasse toutes et Valérie, tiens-nous au courant !

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