Je vais ici retranscrire le récent parcours de ma fille, qui a commencé à être suivie pour la mutation Brca1 il y a 18 mois.
Le protocole donné au moment de l’annonce par l’onco-généticienne, est le suivant :
- de 20 à 30 ans : rendez-vous gynéco tous les 6 mois
- à partir de 30 ans, mammo écho IRM annuellement
Ce sont les recommandations sur le dépistage du cancer du sein
chez les « femmes présentant des risques aggravés ». (précisions ici)
Elle a donc eu 3 rendez-vous depuis son annonce à 20 ans.
Les 3 fois ont été pitoyables. Elle en savait plus qu’eux…
J’aurai pu appeler ce billet « Une poule avec un couteau »…
Première fois
Je l’avais orientée vers un petit hôpital, celui d’où nous habitons.
Je savais que les gynécos y travaillaient une partie de la semaine, et l’autre dans un hôpital plus important. Ca me paraissait plus sûr qu’ils ne soient pas que dans une petite structure.
Elle prit donc au hasard, confiante, celui qu’on lui proposa par téléphone.
La quarantaine, sympathique, il lui tint un discours qu’elle retrouva par la suite : qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, qu’il était rarissime d’avoir un cancer du sein si jeune,… Il lui montra comment on s’autopalpe tout en lui disant que ce n’était pas encore utile à son âge, et qu’il suffisait (attention, c’est du lourd !) qu’elle se regarde les seins dans la glace de temps en temps. Et qu’elle vérifie qu’ils sont bien symétriques…
Elle ressortit dépitée… Ca allait être donc ça le suivi pendant 10 ans ? Ne pas être prise au sérieux…
Deuxième fois
Six mois plus tard, il était hors de question qu’elle retourne voir ce type. Elle choisit donc, via un site qui « note » les médecins, une gynécologue de ville, à Marseille, bien notée.
Une femme d’un certain âge, qui se retrouva un peu désorientée par ce suivi brca1. Elle (la gynéco) lui demanda ce qu’elle devait faire comme suivi, ce qu’on lui avait recommandé (à ma fille). « Voulez-vous que je vous fasse faire une mammographie ?… ou une écho ? » Ma fille dût alors lui expliquer quel était le protocole… Et l’autre lui en remit une couche qu’à son âge, bla bla, bla… En gros, ma fille n’avait vraiment pas besoin d’être suivie si jeune.
Troisième fois
Persuadée d’être mal tombée la première fois, puis regrettant d’avoir choisi une gynéco de ville la seconde fois, elle choisit donc un gynéco d’un hôpital plus important que le premier, espérant cette fois, avoir une véritable consultation où on ne lui dirait pas qu’elle perd son temps à suivre un protocole pour l’instant inutile.
Tout d’abord, il eut du mal à écrire dans son dossier « Brca1« , hésita, ma fille lui redonna l’acronyme qu’il orthographia avec difficulté… glups… mauvaise pioche…
Puis le type lui ressortit les mêmes phrases « réconfortantes » : nous êtes trop jeune pour… etc.
Il lui demanda 2 fois durant la consultation, si elle ne désirait pas prendre la pilule. Ce qui montrait s’il était nécessaire, qu’il ne connaissait pas le Brca1. Elle bredouilla que non parce que justement, elle avait la mutation.
Comme elle lui demandait un conseil contre les règles très douloureuses, il voulut lui prescrire un traitement par progestatif… Heu… ma fille lui rappela qu’elle ne devait pas prendre d’hormone étant donné sa mutation…
Elle est ressortie groggy. Un peu amusée par le ridicule de la situation. Et surtout découragée par tant de méconnaissance.
Pourquoi systématiquement discréditer le suivi si jeune, nier le risque ?
C’est assez perturbant de se retrouver en consultation de femme à haut risque et de s’entendre dire qu’on n’a aucun risque…
La leçon à tirer est toute simple. Aller dans un gros hôpital voir un spécialiste, et non plus un gynéco lambda. Un qui a l’habitude de consulter des femmes jeunes avec mutation, et sans a priori.
C’est tout bête, je sais.
Pourquoi ne pas l’avoir fait dès le départ ?
Sans doute pour tenter de dédramatiser ce rendez-vous. L’immersion dans un gros CHU pour quelqu’un qui est en surveillance d’un éventuel cancer est assez flippant.
Même (et surtout) si ma fille côtoie la maladie depuis si longtemps à travers moi.
Et pourquoi ne pas lui avoir conseillé ma propre gynéco ? Parce qu’elle est totalement nulle humainement parlant. Et même si elle connait la mutation Brca, elle m’a avoué la dernière fois, n’avoir jamais eu une consultation avec quelqu’un de 20 ans.
C’est bien là le problème. Les consultations d’onco-génétique ont démarré timidement en 2003, à l’époque les critères pour y avoir accès étaient restreints. (Ainsi, en 2008, je n’y ai pas eu droit. Et en 2016, si car ils avaient évolué.)
Donc les gynécos ne se retrouvent que rarement en face de jeunes personnes qui ont ce suivi de femme à haut risque. Et du coup, ils ne sont pas à la hauteur, considérant la patiente comme une pauvre petite qui a besoin d’être réconfortée. (Pour info, elle a une licence de bio. Elle est tout-à-fait apte à comprendre les statistiques.)
Bref, la quatrième consultation, cet hiver, sera je l’espère la bonne.
Terminé l’approximation. Elle frappera maintenant à la porte d’un véritable spécialiste. Dans un gros CHU.
Espérons que le gynéco qui l’accueillera prendra en compte simplement les recommandations nationales.
Plus d’infos ici : Dépistage du cancer du sein en France : identification des femmes à haut risque et modalités de dépistage)