Mon ground zero

Oui, d’accord, c’est exagéré comme comparaison.

Mais quand-même…

Les américains se croyaient invincibles, et du jour au lendemain, le ciel leur tombe sur la tête…

Patatra, terrible effervescence, le monde entier est à leur chevet dans une fébrile solidarité compatissante.

Puis les années passent.

Le monde n’a pas oublié, mais enfin, chacun est rentré dans ses pénates. Normal, en fait.

Ils allaient pas s’apesantir pendant des lustres. La vie devait reprendre, bon sang.

Les américains eux, n’ont certes pas oublié, mais jouent la carte du déni. Tous sécuritaires, comme moi avec mes brocolis et mon thé vert : Le cancer ne passera pas, tout comme ils claironnent que le terrorisme ne passera pas.

Oui, on peut rigoler doucement, parce qu’on sait tous que si un terroriste veut, il peut. Peut-être moins facilement qu’avant, mais faut pas oublier que ce sont pas des rigolos. Le curcuma, heu pardon les portiques de sécurité, ça les fait rigoler.

Bref, les tours jumelles se sont effondrées, des experts ont étudiés les fragilités, les vices de fabrication, ont reconnu aussi qu’évidemment, on ne pouvait pas prévoir un tel truc, etc…

Et après ?

Et bien, j’ai fait comme eux, je n’ai pas re- construit sur mon ‘ground zero’.

Oui, c’est ainsi que je visualise ma cicatrice : un tas de décombres sur un hall d’entrée d’immeuble, avec un escalier resté intact. Le fameux Vesey street staircase appelé aussi the survivors’ stairway, pas moins ! (Survivors, encore un terme souvent associé aux anciens cancéreux)

Un objet sacralisé par l’Histoire, alors qu’avant, il était juste un escalier dans un hall d’immeuble. Pour moi juste un sein, si vous me suivez.

Les américains ont conçu un mémorial à Ground zero, ils l’inaugureront bientôt, ils sont forts pour ça, pas moi. (sauf si on considère que ce blog en est un)

Je disais donc : et après ?

Rien reconstruit, à par moi. Déjà pas mal.

Je me reconstruis une petite tour intérieure, avec pas trop d’étages surtout, avec des fondations comme elles peuvent, pas terribles, mais ça semble tenir.

Et avec ce petit édifice, je reprends ma vie d’avant. Je mets des fleurs aux fenètres, ça sent la peinture fraîche, la cheminée fume.

Ca s’appelle ‘donner le change’.

Jusqu’à ces jours derniers, où la maison a connu un tremblement de terre qui l’a fait vasciller.

ON veut que je reprenne à plein temps.

Pourquoi cette nouvelle m’a-t-elle mise dans un état pareil ?

Parce que je me suis rendue compte que ‘donner le change’ m’a desservi.

Parce que mon milieu professionnel a mis un mouchoir sur ce qui m’est arrivé.

Parce que je voulais avoir un traitement à part. Et que ce n’est pas le cas.

Les tremblements de terre entraînent souvent des raz-de-marée, ben moi, ça a été les chutes du Niagara, là, comme ça, sans prévenir, face à mon chef de service.

Pas exprès, j’vous jure, mais ça a eu son petit effet.

« Mais tu es tellement toujours ‘pimpante’, on n’aurait jamais imaginé… »

11 réflexions sur “Mon ground zero

  1. IsabelleDeLyon dit :

    C’est avec le temps qu’on mesure ce que le cancer a fait comme dégats, au début, on pense que c’est physique, que ça passera et puis on se rend compte que c’est plus profond, on est devenu
    différent. Il faut juste tenir compte de ça pour poursuivre sa vie et en tirer de nouvelles forces et je sais que 4 après, j’ai encore du boulot à faire.

    Je pense bien à toi. Tu ne pourras qu’en ressortir plus sereine après avoir fait un petit travail introspectif comme tu le fais.

    Plein de bisous.

    Tu as raison, ce n’est pas parce qu’on a l’air comme avant qu’on l’ait, c’est l’inverse qui est vrai mais ils ne le savent pas.

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  2. yelena dit :

    Ne pas s’effondrer et obtenir ce que tu veux.

    Si travail à plein temps t’effraie, négocier.

    Oui, parfois il vaut mieux « tricher », dans quel monde on vit, ou plutôt ça a toujours été comme ça.

    Allez bizz et pense aux fleurs du balcon.

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  3. marie dit :

    courage, je vous comprends, même forte et combative il faut oser se montrer telle qu’on est parfois, ni plus, ni moins forte ou combative que les autre voudraient
    qu’on le soit. C’est dur je suis aussi entrain d’en prendre conscience. Mais c’est plus sain…

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  4. Marielea dit :

    Quelle détresse.. ne peux tu pas « choisir  » de garder ton mi temps ? puisque tu n’es pas en mi – temps thérapeutique ?

    Tu écris : j’ai repris ma vie d’avant  » .. Je crois que nous ne pourrons plus jamais être comme avant.. d’ailleurs nous ne le devons pas.car cela nous a conduit à la maladie ..il y a un énorme
    travail de reconstruction, voire de construction,  de soi à réaliser.. les autres ne peuvent pas le savoir, ni le comprendre – surtout l’employeur! –  .. et d’ailleurs cela changerait
    quoi ?

    Je te souhaite de trouver les solutions qui te remettront sur ton chemin. Bien à toi!  Marielea

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  5. Anne dit :

    Je crois qu’en majorité, on veut  donner le change, pour que les « autres » ne s’appitoient pas sur notre sort, ne nous regardent pas comme des mourantes mais juste comme des malades, qui vont
    guérir bien sûr. Alors on veut faire croire qu’on s’en sort bien, que ce n’est pas si terrible, de temps en temps on peut se laisser un petit peu aller, mais pas trop surtout…C’est vrai que ce
    n’est pas sain. Si c’était à refaire, je pense que je serais plus « vraie ». Parce qu’au final, on est prise à notre propre piège, les « autres » croient que c’est fini, que l’on va bien, que c’est
    derrière, on passe pour des filles fortes qui vont reprendre leur vie d’avant comme si de rien n’était ou presque. Les « autres » ne savent pas qu’on est déstabilisées, angoissées, qu’on ne voit
    plus du tout la vie comme avant, les « autres » ne savent pas à quel point cela peut être dur. De toutes façons, on ne sera plus jamais comme avant. Je te souhaite bon courage Méli.

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  6. Cathie dit :

    c’est une des raisons qui m’a fait commencé mon blog : recaler ce décalage, marre qu’on me colle ce cliché de gagnante. Ton image de l’escalier illustre bien le courage silencieux, l’optimisme
    peut exister dans la désolation, c’est justement là qu’il est utile, être optimiste et active ne veut pas dire que tout va bien !

    Ne regrette pas d’avoir « donner le change », c’était sûrement salvateur, mais donne-leur des larmes et de la colère aussi, et affiche un calme égoïsme, t’y as droit !!!

    euh… soyons d’accord : c’est fait ce que j’dis, pas ce que j’fais 😉 encore que, ça bouge doucement

    Reste ferme, ça c’est de bon conseil, bise la Méli !

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  7. Cathie dit :

    ben alors la Méli, t’es toute silencieuse !? si c’est ces gros’c qui t’ont filé le bourdon, moi j’m’en va les coller dans un fauteuil de chimio, glaçons sur le têtio et compliments sur leur
    « pimpanteté » !! Si t’as besoin d’une Cathie en colère, te gênes pas, je fais ça très bien ! Bise!

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  8. yelena dit :

    Je te comprends, oh, combien  !!! toujours à se battre, on ne fait que ça,moi aussi, et dire que l’on m’avait dit : « laissez-vous porter ». J’espère que y arriveras de tout coeur à tes fins.
    BIZZZ Y

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