Récidive, ce qui change

« Alors c’est plus dur ou moins dur que lors de votre premier cancer ? »

C’est l’infirmière d’annonce, dans les premières minutes de mon TAS, 3 jours après LA nouvelle, qui m’a posé cette question. Je l’ai tout-de-suite détestée. Je l’ai vécu comme obscène et voyeur de la part d’un inconnu (tout soignant qu’il est). Elle m’a aussi mitraillé de questions tout aussi intime telles que : comment l’a vécu votre conjoint ? Et vos enfants ? Non mais de quoi je me mêle ? Alors c’est ça le TAS ?! Détecter, je présume, si la personne a besoin d’un psy ?
Entre 2007 (mon premier cancer) et 2016, il y a quelques nouveautés pour améliorer la prise en charge des patients… (cf plan cancer 2003-2009), dont le TAS Temps d’Accompagnement de Soins qui fait partie du dispositif d’annonce. Pour ma part, cela ne m’a rien apporté, à par une grosse crispation,  une perte de temps, et la déception de ne pas obtenir plus d’informations que celles données auparavant. Je lui ai dit d’ailleurs que je vivais cela comme une ingérence et j’ai refusé de répondre. C’est moi qui voulait des réponses à MES questions, mais comment une infirmière aurait pu me répondre ?

Alors…plus dur, moins dur ? Différent, déjà. Et moins dur, à l’évidence.

En août 2007, je découvrais Le cancer, choc frontal. Je me suis vue morte avant Noël. Et le fait d’être enceinte a décuplé le traumatisme.
Là, je sens bien que c’est plus subtil… et difficile à mettre en mots, d’ailleurs.

Là, je ne découvre rien, puisque j’ai imaginé la récidive durant des années, cette éventualité faisait partie de mon paysage mental. Même s’il s’était effacé peu à peu.

Je ne pense pas cette fois, que je vais mourir dans quelques mois, mais qu’au contraire, je vais peut-être en baver longuement, longtemps. Et en mourir ou pas. C’est moins suffocant. Parce que depuis 9 ans, j’ai vu autour de moi (IRL ou par le web social) beaucoup de cas de cancers, tous différents, j’ai l’expérience de la vieille routarde. Je sais un peu mieux ce que le cancer peut nous faire vivre, réellement…
Je sais aussi que je peux m’en sortir, et c’est d’ailleurs ce qui va se produire là, mais que maintenant, je n’aurai plus d’illusions, aucun cap (2 ans, 5 ans…) ne pourra me permettre de me sentir à l’abri. Oui, je sais, j’étais un peu bénie oui oui, mais c’était hum, que c’était  confortable.

Je continue une alimentation anti-cancer, mais pas plus motivée que ça pour passer à la vitesse supérieure. J’ai du mal à croire que je puisse faire grand chose contre cette maladie.

Et depuis cette nouvelle, je ne pense qu’à l’après-cancer. A après mes traitements. J’ai même envie de dire qu’ils sont une formalité, avant de passer à ce temps de l’après.

En effet, mes 12 chimios hebdomadaires sont une formalité. J’ai en plus, la chance de ne pas avoir trop d’effets secondaires, une durée courte (2 mois et demi), encore des cheveux. C’est seulement cette énorme fatigue à force, qui me fait maintenant languir la dernière. Dans 3 jours. On boira pas de Champagne.

Ensuite… ensuite, il faudra faire avec cet état de fait. Je ne pourrais plus jamais me croire définitivement tirée d’affaire. Et c’est ÇA la grande affaire de ma vie maintenant.

Pour les autres, et comme la première fois, une fois les traitements terminés, tout va revenir à la normale. Mais moi maintenant, je sais, alors que je n’ai toujours pas eu les résultats génétiques, que mon corps ne sait pas vraiment bien combattre ces foutues cellules malignes. Et que là, je m’en tire bien, pas de métastases visibles au TEP.

Samedi dernier, j’ai fêté les 9 ans de mon petit garçon, concomitant à l’arrivée du cancer dans ma vie. Un bonheur vs un malheur. Comme chaque année, j’ai fait une pinata. Souriante. Elle est exactement ce que je renvoie autour de moi. Tout va bien.

Enfin presque, j’ai reçu un sacré coup de bâton sur la tête !

dscn8831

pinata

 

11 réflexions sur “Récidive, ce qui change

  1. Sophie dit :

    Comme je te rejoins sur ton analyse et ton ressenti !
    En 2008 c’était cancer de l’amygdale pour moi puis 2016 cancer du sein.
    Mon medecin traitant m’avait dit : vous n’allez pas le vivre de la même façon car c’est un 2em cancer.
    Moi aussi j’ai trouvé l’infirmière d’annonce inutile, mais peut etre justement parce que c’était le 2eme.
    Moi aussi, je ne pense qu’à l’après cancer. Je sais aussi maintenant que mon corps connaitra encore peut etre ce combat et j’ai une envie de profiter de tout en urgence.
    Autour de moi, on ne comprend pas forcément.

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  2. Rédaction Johanne Labbé dit :

    A reblogué ceci sur Le cancer du sein de la princesse rebelleet a ajouté:
    Méli Lotus vit ce que j’appréhende un peu, de moins en moins, mais c’est toujours présent, et c’est bien ainsi. D’autant plus que nous avons la même année connu notre premier cancer. Un rappel à l’ordre pour la demie-insouciante que je suis devenue. Mais rien à voir en même temps car elle fête les neuf ans de son fils alors que c’est mon petit-fils qui fêtera les siens en avril prochain. Dans ma hiérarchie personnelle elle devrait davantage s’en tirer pour quelques décennies au moins que moi. Méli-Lotus, tiens bon, et défoules-toi comme tu sais si bien le faire dans ce blogue exutoire et cadeau pour celles qui ne savent pas trouver les mots.

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  3. timolea dit :

    Pour ma récidive, je n’ai pas eu de visite avec l’infirmière d’annonce. Et je ne vois pas ce qu’elle aurait pu me dire. Par contre, j’ai apprécié le psy qui m’a aidé à reprendre mes esprits avant de reprendre ma voiture. Je me sentais en état de choc, comme ta pinata. Mais ce qu’il m’a dit pour me rassurer s’est avéré inexact …
    Oui, c’est dur de se dire que j’aurai peut-être des traitements à vie. Oui, mais en vie encore. Avec plein d’envies toujours …

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  4. Loreta dit :

    Courage. Je vous suis depuis longtemps. C’était mieux la première fois ? Quelle drôle de question. Il est vrai que des formations en psychologie seraient parfois utiles à certains médecins ou soignants. Heureusement, pas la majorité. En 2004, j’ai été assommée par l’annonce de mon cancer du sein au point que perdre mes cheveux, mes ongles, mon sein n’étaient qu’une formalité. 10 mois après l’arrêt de la chimio métastases hépatiques. A ce moment, comme vous dites, on ne se sent plus à l’abri, mais on en fait son quotidien. Le plus important est de croire en soi et y aller, que le cancer ne devienne pas une hantise, comme une acceptation, avoir un moral ultra positif. Comme m’a dit l’oncologue, il faut se dire que c’est une maladie chronique. Ce que j’ai fait. Depuis 12 ans, entre récidive et chimios (8 au total dont la dernière en cours) et un test clinique de 3 ans, je n’en veux à personne. Je vis intensément l’instant présent et je me dis que la mort est la seule justice sur terre qui que nous soyons et que c’est la seule certitude quand on naît. Entre les deux, à nous d’en faire le meilleur avec ce qu’on a et ce qu’on peut faire. Je vous envoie toutes mes ondes positives. Mon slogan est et restera …. Take the best, fuck the rest et c’est ce que je fais.

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  5. Maryse dit :

    C’est différent .
    Tu as gagné une fois belle guerrière .
    Cette fois ce si c’était pour de bon. ?
    Je te le souhaite du fond du cœur .
    C’est ce que je me dis tous les jours depuis que moi aussi suis entree dans ma saison 2.
    Bises Meli.

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      • Isasuisse dit :

        Cancer saison 2, je trouve l’expression de Maryse bien choisie 😉
        Contrairement à ce qu’on espère des bonnes séries, on espère que les mauvaises s’arrêtent au bout de leur dernière saison, cad de leur 2ème….c’est mon cas aussi….STTOOOOPPPP!
        Pour l’entretien avec l’infirmière, que dire??? Euh, non merci!
        Ici en Suisse alémanique rien de tel mais dans mon cas la cata au niveau de l’annonce et des suites immédiates…
        Après tout j’étais déjà passée par là et la secrétaire du gynéco, nouvelle, était débordée. Ça a été un cauchemar!
        Donc je ferme ma parenthèse perso;-(
        Enfin juste dire encore que comme j’en sors vraiment moins belle que la 1ère fois , j’ai pas envie de mettre un t-shirt de battante non plus!
        Blague à part, le cancer fait aussi définitivement partie de ma vie. Pour moi aussi récidive après ….11 ans😳😕
        La saison 2, ça fait vraiment mal😨😨

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  6. zaboton dit :

    Tes photos parlent aussi bien que tes paroles.
    Une carrière de journaliste dans un magazine santé, tu ferais sauter l’audimat.Et pourquoi pas une reconversion …?

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  7. Isasuisse dit :

    Cancer saison 2, je trouve l’expression de Maryse bien choisie 😉
    Contrairement à ce qu’on espère des bonnes séries, on espère que les mauvaises s’arrêtent au bout de leur dernière saison, cad de leur 2ème….c’est mon cas aussi….STTOOOOPPPP!
    Pour l’entretien avec l’infirmière, que dire??? Euh, non merci!
    Ici en Suisse alémanique rien de tel mais dans mon cas la cata au niveau de l’annonce et des suites immédiates…
    Après tout j’étais déjà passée par là et la secrétaire du gynéco, nouvelle, était débordée. Ça a été un cauchemar!
    Donc je ferme ma parenthèse perso;-(
    Enfin juste dire encore que comme j’en sors vraiment moins belle que la 1ère fois , j’ai pas envie de mettre un t-shirt de battante non plus!
    Blague à part, le cancer fait aussi définitivement partie de ma vie. Pour moi aussi récidive après ….11 ans😳😕
    La saison 2, ça fait vraiment mal😨😨

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